dimanche 15 juin 2008

Toutes nouvelles toutes fraiches...

...notre video de sandboard a San Pedro dans le nord du Chili !!
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...et notre video du nord de l'Argentine !!
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dimanche 8 juin 2008

SUCRE AMER

25 mai 2008. C'est notre premier jour a Sucre et nous nous reveillons sous les fanfares. Aujourd'hui, la ville fete l'anniversaire de sa premiere rebellion anti-coloniale (le « cri de la liberte »). Au programme : defile de corps professionnels a n'en plus finir, fanions aux couleurs de la region, percussions, cymbales, majorettes, uniformes...tout y est. Sur les trottoirs, les vendeuses de rue preparent des empanadas (casse-croutes), les gamins se promenent avec des ballons Spiderman gonfles a l'hélium, les representants politiques (les chefs des deux principaux partis) serrent les mains des innombrables spectateurs, tout en cherchant soigneusement a s'eviter pour ne pas avoir a se confronter. A leur passage, ils sont applaudis par la foule et suivis par les cameras. Tout ceci se deroule dans un decor superbe parce que Sucre, capitale constitutionnelle du pays, est une ville magnifique. Pour nous trois, c'est un grand moment d'insouciance. Nous avons l'impression d'etre au bon endroit au bon moment. Nous faisons meme un tour au Salon du Chocolat qui a ouvert ses portes. Les jours suivants, nous partagerons notre temps entre des ballades citadines et un suivi tres actifs des premiers matchs de Roland Garros, confortablement installes dans une chambre d'hotel kitchissime.

Mais un premier element nous met la puce a l'oreille. Sur un mur il est ecrit « Venez a Sucre vous vivrez le racisme colonial... ». C'est vrai que nous sommes dans une ville totalement coloniale (construite par les colons, pour les colons...qui finalement n'en sont jamais partis) comme toutes les villes du continent que nous avons visite jusqu'à present ; mais « racisme », le terme nous semblait un peu fort. Nous dechanterons quelques jours plus tard, lorsque Yves tombe par hasard sur un article repris par le site de Liberation qui raconte la journee du 25 mai : pendant les fanfares, sur la place de l'Independance (le symbole est fort !) un groupe de jeunes a humilie une delegation amérindienne venu soutenir le president Evo Morales en visite a Sucre pour annoncer des mesures sociales en leur faveur. Ces jeunes leur ont jete des pierres, les ont pris en otage, leur ont fait enlever le haut de leurs costumes traditionnels, ont brule les vetements, les drapeaux et les insignes, leur ont fait faire le tour de la place points lies, puis ils les ont fait s'agenouiller par terre en face de la « Casa de la Libertad », baiser le sol, manger des fientes de poulet puis les ont ruer de coups. PERSONNE NE S'EST INTERPOSE. Pendant ce temps, a l'entree de la ville, d'autres jeunes ont jete des pierres sur tous les amerindiens qui tentaient d'entrer dans la ville, femmes et enfants compris. Etant donne la fureur des opposants, Morales a prefere calmer les esprits et annuler sa visite.
Voilà ce qui s'est passe le 25 mai dernier a Sucre, pendant que nous dormions tranquillement a l'hotel, a moins que ca ne soit passe pendant que nous entamions une degustation de chocolat blanc. Cette histoire me rend folle !!! D'une part parce qu'elle me donne envie de vomir, mais aussi parce que nous n'avons rien vu. Comment avons nous pu passer a cote de ca !
Le jour meme a Sucre, les representants politiques continuaient a serrer les mains comme si de rien n'etait, comme si ce genre d'humiliation etait anecdotique. Le lendemain, le journal local « Correo del Sur » a fait sa une dessus (il semble que ce soit cet article qui est a l'origine d'une mobilisation pro-amerindienne dans les journaux europeens). Sinon, il y a bien eu une petite marche silencieuse de femmes qui militaient contre la violence conjugale et contre le racisme (comme si ce theme avait ete rajoute a la derniere minute) mais sans vraiment d'ampleur. Martin en a discute avec son prof d'espagnol qui s'est dit completement ecoeure par ce qui s'est passe, mais le racisme semble un sujet si tabou que personne n'ose se mobiliser.

Voilà comment on fete l'anniversaire de la rebellion anti-coloniale a Sucre : On humilie les peuples pre-hispaniques qui revendiquent leurs droits.

Mais remettons cet evenement dans son contexte parce qu'en realite, je crois que l'histoire evolue beaucoup en ce moment en Bolivie et pas dans le sens de l'extreme-droite.
La Bolivie est un pays globalement divise en deux, geographiquement et humainement. A l'Ouest, ce sont les Andes, les hautes montagnes avec des ressources pauvres et un climat defavorable. A l'Est, c'est d'abord la Pampa, terres cultivables et facilement accessibles, puis la jungle (qui est de plus en plus defrichee). A l'Ouest vivent les « amerindiens » (les peuples pre-hispaniques qui continuent de preserver leur culture, leurs vetements traditionnels et leur mode de vie) tandis qu'a l'Est vivent des Metis qui sont occidentalises et riches parce qu'ils habitent dans des regions plus developpees et moins enclavees. (Soyons clairs, je generalise pour que ce soit plus simple, mais la realite est sans doute beaucoup plus complexe.)
Les Metis et les quelques blancs (3% de la population) qui vivent en Bolivie ont toujours ete l'elite, ils ont toujours detenu le pouvoir politique et economique, tandis que les amerindiens (la majorite de la population) n'ont jamais ete vraiment entendus ni consideres.
En 2005, election historique : Evo Morales, un amerindien, est elu chef de l'etat. Socialiste, il veut une redistribution des richesses et multiplie les aides aux defavorises. Les riches de l'Est constatent qu'ils sont relayes en 2nd position et qu'ils payent pour les autres.
Le 4 mai dernier, la province de Santa Cruz, la region la plus riche du pays, se declare autonome apres avoir effectue un referendum (qui n'est pas reconnu par le gouvernement). « Ce n'est pas notre faute si nous sommes riches, alors debrouillez vous entre pauvres... », voilà pour l'etat d'esprit (pour les propos les plus courtois). De meme, le 1er juin dernier (soit quelques jours apres les actes racistes qui se sont deroules a Sucre) avait lieu le referundum pour la region de Sucre. Voilà le climat hyper tendu dans lequel se trouve aujourd'hui la Bolivie.

Pour plus d'infos (il semble que les medias en Europe n'en ai pas du tout parle), 3 articles

http://contrejournal.blogs.liberation.fr/mon_weblog/2008/05/devant-les-viol.html qui resume cette journee du 25 mai.
- http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6713 qui fait une analyse de la situation des peuples pre-hispaniques en Amerique Latine.
http://www.ouest-france.fr/Bolivie-les-Indiens-face-a-la-fronde-des-Blancs-/re/actuDet/actu_3637-639280------_actu.html qui nous explique qui sont ces jeunes racistes.

Sur un ton beaucoup plus detendu, vous pouvez aussi voir le film "Quien Mato a la llamita Blanca" ("Who killed the white llama" en anglais), realise par le bolivien Rodrigo Bellott qui parle avec beaucoup d'humour des Collas (des Andes) et des Cambas (de la Pampa et de la jungle)... Nous avons l'impression d'avoir plus appris pendant ces 2 heures de film qu'en 3 semaines de voyage.

Voilà. Nous continuons notre route avec un goût amer. On essaye de mettre cet evenement de cote pour ne pas passer a cote des autres facettes de la Bolivie, mais ce n'est pas simple.
Est-ce que ce sont les derniers soubressauts d'une extreme droite qui sent le vent tourner ou au contraire, est-ce le debut d'une haine raciale qui ne demandait qu'a s'exprimer ?

L'ALTIPLANO ET LE SALAR D'UYUNI

Aller a San Pedro de Atacama, c'etait surtout l'occasion de prendre le train mythique qui traverse les hauts plateaux de l'Altiplano pour rejoindre la Bolivie. On s'imaginait deja se rendre sur les hauteurs, souffrir du froid et de l'altitude en se blottissant contre les autres passagers, faire des photos uniques du train traversant des paysages surrealistes, partager le quotidien des latinos sur un trajet de plus de 20h... Mais grosse deception arrives a San Pedro : la ligne Calama-Uyuni n'est plus qu'une ligne de fret ! Le passage de la frontiere, qui necessitait des heures et des heures d'attente a 5000m d'altitude a fini par l'emporter sur le mythe... Dommage. Il nous restait deux options : prendre 3 bus, se galerer a trouver des hotels, de la bouffe et tout le reste ou partir en expedition avec une agence, traverser l'Altiplano en 4x4 jusqu'au Salar d'Uyuni en se laissant trimbaler dans les plus beaux spots du coin... Nous avons courageusement choisi la 2eme solution.
Nous avons ainsi passe 3 jours dans des decors inimaginables : des lagunes de toutes les couleurs ou viennent s'approvisionner des flamands roses, d'immenses etendues desertiques perchees a plus de 4000 metres d'altitude ou viennent brouter quelques vigognes, sortes de lamas-biches sauvages (mais que broutent-elles au juste ? Ici, il n'y a que de la poussiere), quelques zorros aussi, sorte de petits renards a peine farouches ainsi qu'un animal etrange : tete de lapin, queue de rat mais avec plus de poils et qui saute comme un kangourou (nous l'avons donc tres justement appele le « ratinou »). Face a nous, des paysages qui semblent avoir inspires Dali (vous voyez les tableaux de montres molles dans les tons marrons ou d'elephants sur des echasses... ca vient d'ici !). Des arbres de pierre, des nuances de couleurs qui nous ont rendus accros, des ciels magiques, des geysers qui crachent de la pate grise et rouge, une source d'eau chaude (35 degres tout de meme) dans laquelle on se baigne allegrement. Traverser cette region (le Sud Lipez) est une experience fascinante.
Le dernier jour, nous arrivons au Salar d'Uyuni, immense desert de sel de plus de 2 000 km2. Au milieu, une ile bordee de cactus qui servait de lieu d'echange au temps des empires pre-hispaniques. La encore, le desert a perte de vue nous inspire quelques illusions d'optique... Nous appuyons sur les déclencheurs des appareils photos comme des fous.
Arrives a Uyuni : cette ville semble en partie abandonnee. Atmosphere peu engageante. Dans les rues, les boliviennes ont conserve leurs tenues traditionnelles : chapeau a la Chaplin, jupe plissee remontee sous je ne sais combien de jupons et toujours deux longues tresses noires dans le dos. Le costume traditionnel de cette region est sous le signe de la sphere et des lignes paralleles : chapon rond, visage rond, haut du corps tout en rondeur, tresses paralleles, jupe rebondissante et petites guiboles... C'est tout un art.
Quel bonheur de voyager dans des regions ou la culture occidentale ne semble avoir aucune prise. Quelle richesse lorsque les peuples ont conserve leurs traditions... La Bolivie m'ouvre de nouvelles perspectives photogeniques.

**Astuces**
Si vous aussi cette aventure vous tente, sachez qu'il y a plus de 80 agences a Uyuni et qu'elles ne sont pas toutes tres serieuses. Nous avons entendu je ne sais combien de fois des histoires de chauffeurs qui prennent le volant alors qu'ils sont saouls, qui ne se reveillent pas le matin ou encore des 4x4 qui tombent en panne au milieu de nulle part... Plus grave, au debut du mois de mai, deux voitures sont entrees en collision sur le salar. Bilan : 13 morts. Alors mieux vaut voyager avec une agence recommandee. Nous sommes passes par « Estrella del Sur » (l'etoile du Sud), agence qui a un bureau a San Pedro (Chili) et a Uyuni. Le 4x4 etait super bien entretenu, le chauffeur (Jose), d'un serieux irreprochable et d'une patience d'ange (on a pu s'arreter quand on voulait et faire de tres longues pauses photos).
En ce qui concerne l'hebergement, tout le monde, toutes agences confondues, est loge a la meme enseigne. La nuit dans l'hotel de Sel (du sel partout) est charmante mais on caille (il ne fait pas loin de 0 degre dans les chambres) tandis que la nuit pres de la Laguna Colorado est une aventure en soit (ne pas s'attendre a beaucoup dormir, le froid defi toute imagination).
Prevoir creme solaire, baume pour les levres et vetements tres chauds, mais aussi vetements legers pour la journee (plus de 20 degres au mois de mai). Et biensur, un maillot de bain.

SAN PEDRO DE ATACAMA, CHILI



Le 18 mai.
J'ai quitté Arica, les plages du pacifique, et les vagues de pélicans qui échouent sur les jetées du chantier naval, pour faire sécher leurs ailes au vent. J'ai quitté les vagues de l'océan, et les surfeurs Brésiliens, pour traverser le désert.
A San Pedro, 7 heures du matin, les routes du village sont poussiéreuses, le soleil est brulant, mais peine a rechauffer la ville. Je trouve l'Eden. L'hôtel Eden, soyons clairs. Ici c'est plutôt un village pour touristes. L'atmosphère n'est pas ordinaire. Les maisons sont basses, les voitures soulèvent la poussière, les gens marchent a l'ombre, la ou il fait froid, car au soleil on brûle. Mieux vaut être de passage.

16 heures.
Je suis assis dans le jardin de l'Eden, et je travaille mes cours d'espagnol. Je déplace ma chaise toutes les quinze minutes pour éviter le soleil qui me poursuit jusqu'au dessous du parasol quand Yves et Fannie déboulent, dans le jardin, avec leurs gros sac a dos. Un gros sur le dos et un petit sur le ventre, comme tous les mochileros (en Amérique du sud les porteurs de sacs a dos sont des mochileros).

Nous voilà donc a échanger sur le monde, dans le jardin de l'Eden, a San Pedro de Atacama, ville aux allures de far west, ou ne manquent que de virevoltants tumbleweeds pour nous convaincre d'acheter des colts et nous pousser au crime fratricide de tous ces touristes.

Ils ont l'air a peu prêt normaux nos baroudeurs, j'ai même l'impression de les avoir quittés hier. Leurs seules blessures visibles semblent être d'ordre capillaire, Fannie a malheureusement succombé a la haute coiffure Pekinoise, et Yves a malheureusement accepté de se faire couper les cheveux par Fannie. Pas de quoi en faire des empanadas. Sinon nos routards bien qu'un peu fatigués vont bien, ils ont acquis un certain goût pour le confort, et un paquet d'histoires.

Le lendemain on loue des vélos, des planches de surf, et on se taille dans la vallée de la mort. On gravit les dunes colossales, et on surfe, tombe, saute, chute, caracole, dégringole, on enlève le sable de nos chaussettes, on se dit qu'on est bien fatigues et que ca tombe mal car on a encore 35 km de désert a parcourir avec nos foutues planches sur le dos qui nous font mal et nous font ressembler a des libellules (selon Fannie). Alors on arrive dans la vallée de la lune, un peu trop tard, morts de fatigue mais on se réjouit des paysages. La nuit tombe, on prend des photos sur le lac de sel et on rentre au clair de lune. On dévale la montagne, comme des libellules, on use nos dernières forces. On se réveille a quatre heures du matin pour aller visiter les geysers du Tatio.

20 mai - six heures du mat - sommeil profond – dans le bus.
Une brusque secousse nous réveille. Des bruits de roues qui patinent. Le pare brise est givré, le chauffeur prie pour son emploi, le bus est planté dans le sable du bas coté. Un mètre de plus et on basculait dans le fossé.
On sort, un bus de passage s'arrête. Il y a trois places de libre. Sans se retourner sur nos compagnon de route on profite de la providence.
Le soleil se lève sur les 85 geysers du Tatio et nous régale de ses reflets dans les volutes de vapeurs blanches. Les vigognes se promènent paisiblement, les moins quinze degrés de la nuit se font oublier, on rentre heureux trois heures plus tard. On croise sur le bas coté les 17 compagnons d'une infortune dont nous fumes les seuls rescapés.

La suite de cette histoire revient a qui de droit, elle se déroule sur les routes de la Bolivie, dans l'Altiplano andin ou les vigognes paisibles paissent.


So long, Martin



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